Alors que les pays du bloc BRICS cherchent à s’émanciper de la tutelle du dollar, l’hypothèse d’une nouvelle monnaie de référence adossée à l’or gagne du terrain. Ce virage stratégique, s’il se concrétise, pourrait redéfinir les équilibres financiers internationaux et impacter directement l’épargne des investisseurs européens.
C’est un vieux rêve pour certains, une menace existentielle pour d’autres. Depuis les accords de Bretton Woods en 1944, le dollar américain règne en maître sur le commerce international. Pourtant, la domination du billet vert est de plus en plus contestée par les puissances émergentes.
Le groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, récemment élargi à d’autres nations) envisage sérieusement l’utilisation de l’or comme socle d’un nouveau système monétaire. Cette décision, loin d’être symbolique, pourrait avoir des répercussions concrètes sur les marchés, de New York à Bruxelles.
Vers la fin de l’hégémonie du dollar ?
La conséquence la plus immédiate d’une telle initiative serait une déstabilisation du dollar américain. Actuellement, la majorité des transactions énergétiques et commerciales mondiales sont libellées en dollars. Si les pays du BRICS, qui représentent une part croissante du PIB mondial, basculent vers une monnaie adossée à l’or pour leurs échanges, la demande pour la devise américaine chuterait mécaniquement.
Pour l’Europe, cette transition ne serait pas sans douleur. Une perte de confiance massive envers le dollar pourrait entraîner une volatilité extrême sur les marchés des changes. Si l’euro pourrait théoriquement en profiter pour s’affirmer comme alternative, l’instabilité engendrée risquerait de peser sur les exportations du Vieux Continent.
Une ruée des Banques Centrales vers le métal jaune
L’or, actif tangible par excellence, retrouverait son rôle historique de garant de la valeur. Si les BRICS accumulent massivement de l’or pour crédibiliser leur nouvelle devise, cela provoquerait un transfert significatif des réserves monétaires mondiales.
Les pays détenteurs de vastes réserves en bons du Trésor américain (dette US) pourraient être tentés de réallouer leurs actifs vers l’or physique. Ce mouvement est d’ailleurs déjà observable : les banques centrales, notamment celle de Chine, achètent de l’or à des niveaux records depuis plusieurs années.
Comprendre l’étalon-or :
Dans un système d’étalon-or, la valeur d’une monnaie est directement liée à une quantité fixe d’or. Contrairement aux monnaies fiduciaires actuelles (euro, dollar) qui peuvent être créées « ex nihilo » par les banques centrales via la planche à billets, une monnaie or ne peut être émise que si la banque centrale possède la contrepartie physique en métal précieux. Cela limite l’inflation mais contraint la politique monétaire.
Une nouvelle géopolitique économique
Au-delà de l’aspect purement financier, le choix de l’or est un acte politique fort. Il s’agit pour le bloc de l’Est et du Sud global de s’immuniser contre les sanctions occidentales qui utilisent le dollar comme une arme extraterritoriale.
Cela renforcerait la coopération au sein des BRICS, créant un bloc commercial autonome capable de commercer hors du système SWIFT occidental. Pour les États-Unis et l’Europe, cela signifie l’émergence d’un concurrent systémique. Les puissances occidentales pourraient percevoir ce mouvement comme une menace directe, risquant d’entraîner des tensions diplomatiques, voire des guerres commerciales accrues ou des sanctions ciblées pour tenter de freiner cette dédollarisation.
Quel impact pour l’épargnant belge et francophone ?
Pour l’investisseur particulier, ces mouvements tectoniques de la géopolitique ont une conséquence directe : la volatilité des marchés financiers.
Tout changement de paradigme monétaire crée de l’incertitude. Les marchés actions, souvent corrélés à la santé du dollar et à la liquidité mondiale, pourraient subir des secousses. À l’inverse, l’or, en tant que valeur refuge, verrait son cours soutenu par cette demande structurelle venant des États eux-mêmes.
Dans ce contexte, la détention d’or physique (pièces ou lingots) apparaît pour de nombreux gestionnaires de patrimoine comme une assurance contre la dépréciation des monnaies papier. Si le projet des BRICS aboutit, le prix de l’once pourrait connaître une réévaluation majeure, modifiant durablement la stratégie de préservation du capital des ménages européens.
Il reste désormais à observer la réaction de Washington et de Francfort face à cette dynamique qui, si elle reste encore au stade de projet, dessine déjà les contours de l’économie de demain.
